Quelle distance avec les enfants ?

Se positionner comme chef ou comme cheftaine devant ses louveteaux et jeannettes impose quelques règles de conduite pour que chacun, enfants et adultes, y trouve son compte.
Tout est affaire de juste distance. Trop proche ? C’est l’étouffement. Trop lointain ? C’est le désintérêt, l’absence de motivation.
Trop laxiste ? la peuplade se transforme en foire d’empoigne, on ne peut plus rien faire. Trop rigide ? la peuplade n’ose plus rien faire et finit par se démobiliser.

Pourvu qu’ils m’aiment
« Si j’ai choisi d’être chef, c’est parce que j’aime les enfants et que je veux passer de bons moments avec eux. Je n’ai vraiment pas envie de consacrer toute mon énergie à « faire la police ». Du coup je les laisse faire. J’estime que je ne suis pas trop sévère. D’ailleurs les louveteaux-jeannettes m’aiment bien » Ces propos de Brice, 18 ans, qui ne les a pas déjà au moins un petit peu pensés ? Dans le fond, Brice voudrait se sentir rassuré : « je suis un bon éducateur puisque les enfants dont je m’occupe aiment être avec moi. C’est certainement parce que je suis un bon chef (meilleur que les autres ?), compétent, digne de confiance, sympa et respecté… » Et c’est bien normal de souhaiter que les choses se passent bien avec les enfants que l’on encadre. Pourtant, être éducateur, c’est se mettre au service des enfants à qui l’on permet de grandir. S’il est légitime de souhaiter être reconnu, valorisé et aimé, ce n’est pas des enfants qu’un adulte doit attendre son « réconfort », mais bien de ses propres relations d’adulte avec d’autres adultes.

Etre capable d’écouter, de réconforter ou de rire avec un enfant est tout à fait possible, sans pour autant tomber dans le copinage.
Etre trop fusionnel brouille les repères des enfants. Si l’adulte se positionne comme un copain, s’il laisse tout faire, il n’est ni complètement adulte ni complètement enfant. Le risque est double : l’adulte dans cette position peut exercer son emprise sur l’enfant. C’est comme s’il disait « tu fais ce que je dis, non pas parce que c’est la règle qui le dit, mais parce qu’on est ‘copains’ et que je suis plus fort que toi parce que je suis un adulte… ». A l’inverse, cette position fusionnelle peut aussi faire perdre toute forme d’autorité « toi on ne t’écoute pas, tu n’es pas un vrai chef, une vraie cheftaine, tu es comme nous puisque tu agis comme nous ».

Pourvu qu’ils me craignent
« Dans la maîtrise, on s’est bien réparti les rôles. Il y a Chloé, qui est un peu la maman et moi qui élève la voix et qui gronde pour rappeler les limites. Au moins, moi je ne me laisse pas déborder. Parfois je me dis qu’ils ont un peu peur de moi, mais tant pis, c’est le prix à payer ». Se « faire respecter » en usant de sa supériorité physique ou psychologique est facile face à des enfants et relativement efficace…à court terme et en apparence seulement ! L’autorité a pour objectif de fixer des repères à l’enfant. Les adultes sont les garants de la loi, des règles : ils savent ce qu’on a le droit ou pas de faire quand on est un enfant, et quand on est un adulte. De ce fait, ils apportent la sécurité et la protection aux enfants dont ils s’occupent. C’est grâce à ces repères qu’il peut construire son autonomie. Ainsi, il peut apprendre comment se comporter en société, comprendre ce qui est bon pour lui et ce qui est mauvais, ce qui est dangereux et ce qui ne l’est pas. Mais l’autorité ne va pas sans la protection : faire montre d’autorité auprès d’un enfant, c’est aussi lui montrer qu’on est capable de le protéger, et qu’il peut grandir en toute confiance.
Susciter la peur -même pour jouer- est également une façon de faire régner un climat violent.

Le pari de l’authenticité
Une relation authentique permet de se construire : les enfants ont besoin pour construire leur propre personnalité, de rencontrer des personnes vraies, qui ont aussi des problèmes, des questions, des joies. Des personnes qui peuvent parler d’elles tout en restant à leur place d’adulte.

Authentique, tu as le droit d’être en colère, triste, fatigué et de le dire. Authentique ne veut pas dire « parfait ». Tu peux être dépassé, te tromper, croire bien faire… L’essentiel est d’être capable, régulièrement, de prendre du recul sur son positionnement, pour l’ajuster toujours et encore.

Emmanuelle Audras (responsable nationale louveteaux-jeannettes 2008-2011)